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Research

Diagnostic des mammites cliniques ovines et sensibilité aux antibiotiques des bactéries responsables dans le département de Mbacké au Sénégal

Diagnostic des mammites cliniques ovines et sensibilité aux antibiotiques des bactéries responsables dans le département de Mbacké au Sénégal

Diagnosis of ovine clinical mastitis and antibiotic sensitivity of responsible bacteria in the Mbacké department in Senegal

Alkaly Badji1,&, Djamilou Adamou Salifou2, Amadou Bousso Ba2, Rianatou Bada Alambedji2

 

1Département de Productions Animales, Institut Supérieur de Formation Agricole et Rurale, Université Alioune Diop de Bambey, Bambey, Sénégal, 2Service de Microbiologie-Immunologie-Pathologie infectieuse, Ecole Inter-Etats des Sciences et Médecine Vétérinaire, Dakar, Sénégal

 

 

&Auteur correspondant
Alkaly Badji, Département de Productions Animales, Institut Supérieur de Formation Agricole et Rurale, Université Alioune Diop de Bambey, Bambey, Sénégal

 

 

Résumé

Introduction: de plus en plus, on assiste à des échecs de traitements des mammites ovines que l'on pourrait attribuer à la résistance des agents étiologiques aux antibiotiques. L'étude a été menée d'octobre 2021 à mars 2022 au niveau du cabinet vétérinaire Aby-vet. L'objectif était d'évaluer l'état clinique des brebis atteintes de mammites, de préciser l'étiologie et d'évaluer la sensibilité des bactéries vis-à-vis des antibiotiques utilisés.

 

Méthodes: des examens cliniques portant sur 49 brebis admises au cabinet ont été réalisés. Des prélèvements de lait, 49 au total, ont été faits afin d'identifier les bactéries responsables. Un antibiogramme a été réalisé pour évaluer la sensibilité de ces germes. Les données recueillies ont été saisies sur le tableur Excel et analysées avec le logiciel RStudio version 1.4.1103.

 

Résultats: l'étude clinique a révélé 53,1% de mammites aigües, 38,8% de mammites chroniques et 8,2% de mammites suraigües. L'analyse bactériologique des prélèvements a permis d'obtenir un taux de positivité de 71%. Parmi les bactéries isolées, les staphylocoques à coagulase négative sont prédominants avec une fréquence de 32%. Ils sont suivis de Staphylococcus aureus (28%), de Pseudomonas aeruginosa, Escherichia coli et Pseudomonas putida avec une fréquence de 8% pour chacune. L'antibiogramme a révélé une sensibilité des staphylocoques, E. coli et Pseudomonas aeruginosa à 100% vis-à-vis de la néomycine, de la kanamycine et de la streptomycine. Toutefois, E. coli était à 100% résistant vis-à-vis de la pénicilline et de l'amoxicilline.

 

Conclusion: ces résultats montrent la nécessité de réaliser un antibiogramme afin d'améliorer le taux de réussite de l'antibiothérapie mammaire.


Introduction: there has been a growing number of inappropriate treatments of ovine mastitis, resulting in treatment failure, which could be attributed to antibiotic resistance of the causative agents. This study was conducted at the Aby-vet Clinic from October 2021 to March 2022. The purpose of the study was to assess the clinical condition of ewes with mastitis, determine the etiology and evaluate the sensitivity of the responsible bacteria to commonly used antibiotics. Methods: clinical examinations were carried out on 49 ewes admitted to the clinic. A total of 49 milk samples were collected to identify the responsible bacteria. An antibiogram was performed to assess the sensitivity of the isolated germs. The collected data were entered into Excel and analyzed using RStudio software version 1.4.1103. Results: this clinical study showed a 53.1% incidence of acute mastitis, a 38.8% incidence of chronic mastitis, and a 8.2% incidence of peracute mastitis. Bacteriological analysis of the samples showed a positivity rate of 71%. Among the isolated bacteria, coagulase-negative staphylococci were predominant, with a frequency of 32%. These were followed by Staphylococcus aureus (28%), Pseudomonas aeruginosa, Escherichia coli, and Pseudomonas putida, each with a frequency of 8%. Antibiotic susceptibility testing revealed that Staphylococci, E. coli, and Pseudomonas aeruginosa were 100% sensitive to Neomycin, Kanamycin, and Streptomycin. However, E. coli was 100% resistant to Penicillin and Amoxicillin. Conclusion: these results highlight the necessity of performing antibiotic sensitivity testing to improve the success rate of antibiotic therapy for the treatment of mastitis.

Key words: Mbacké, Aby-vet veterinary clinic, mastitis

 

 

Introduction    Down

L'élevage des petits ruminants fait partie des activités les plus rentables par la production de viande, de lait, de cuir et de fumier. Au Sénégal, il représente un important moyen de subsistance pour une bonne frange de la population urbaine et rurale. L'effectif est estimé à 6678000 têtes d'ovins et 5704000 têtes de caprins, soit 38,43% et 32,82% du cheptel du pays, respectivement [1]. Une hausse de l'ordre de 3,5% de cet effectif a été observée en 2019 pour les ovins et 3,0% pour les caprins. Il contribue à hauteur de 23,7% au secteur primaire et de 3,6% au produit intérieur brut (PIB) [2]. Autrefois l'élevage des ovins et caprins était considéré comme étant une activité de sécurisation et d'épargne pour plusieurs catégories sociales. Mais aujourd'hui, un véritable business qui semble lucratif se développe autour du mouton de race Ladoum dans les grandes villes comme Dakar et Thiès. Toutefois, malgré l'amélioration des performances zootechniques des sujets, cet élevage reste toujours confronté à un certain nombre de contraintes telles que les mammites.

Les mammites sont des réactions inflammatoires de la glande mammaire qui peuvent être causées par une infection, un traumatisme ou une toxine. Lorsque l'infection mammaire se manifeste par des symptômes locaux et généraux, on parle de mammites cliniques. Chez les petits ruminants, les mammites cliniques peuvent atteindre 5 à 10% du troupeau [3]. Plus ou moins graves selon les cas, les mammites cliniques des petits ruminants sont à l'origine d'importantes pertes financières pour les éleveurs. De plus, le risque lié à la consommation du lait contaminé par des germes responsables de toxi-infections alimentaires fait l'objet de préoccupations de santé publique. Selon Oliver et al. [4], le Staphylococcus aureus est l'une des principales causes d'intoxication alimentaire dans le monde et devient préoccupant pour l'industriel laitier.

De nombreuses études portant sur les mammites chez les bovins de races locales et exotiques ont été rapportées au Sénégal [5-8]. Toutefois, la problématique de la santé mammaire des petits ruminants n'est presque jamais étudiée au Sénégal. C'est dans ce contexte que cette étude a été menée dans le département de Mbacké au Sénégal. L'objectif était de contribuer à l'amélioration du diagnostic et de l'antibiothérapie des mammites cliniques ovines afin de promouvoir un élevage beaucoup plus productif et plus rentable.

 

 

Méthodes Up    Down

Zone d'étude

La région de Diourbel est située dans le bassin arachidier du Sénégal, entre le 14°30 et le 15° de latitude Nord et le 15°40 et le 16°40 de longitude Ouest (Figure 1). La population, en majorité rurale pratique l'agriculture, le commerce et l'élevage comme principales activités de sources de revenus. L'élevage des petits ruminants est de plus en plus pratiqué dans cette localité selon un mode intensif à travers des exploitations familiales. Les principales races ovines élevées sont la race Touabire, la race Peul-peul, la race Azawad et la race améliorée Ladoum.

Echantillonnage

L'échantillon d'étude est constitué par l'ensemble des brebis admises au cabinet vétérinaire Aby-vet pour une consultation dans la période d'octobre 2021 à fin mars 2022 et dont la mammite clinique a été suspectée. Ce cabinet vétérinaire, situé dans la commune de Mbacké, a été choisi de par sa clientèle importante en petits ruminants. Sur ce critère, 49 brebis ont constitué l'échantillon d'étude et ont été soumises à un examen clinique.

Examen clinique

L'examen clinique a été déroulé en deux étapes. La première étape a consisté d'abord à enquêter le propriétaire sur la durée, la cause présumée, l'évolution de la mammite et le traitement préalable. Ensuite, à apprécier l'aspect général de la brebis, la fréquence respiratoire, la température corporelle et la race. La deuxième phase était un examen spécial portant sur la mamelle. L'inspection et la palpation de la mamelle ont permis d'apprécier le type de mammite clinique dont souffrait la brebis. Les informations recueillies ont été enregistrées sur une fiche clinique. L'examen clinique a été suivi d'un prélèvement de lait au trayon pour isoler et identifier la bactérie responsable de la mammite.

Analyses bactériologiques

Des prélèvements de 5 à 10 ml de lait ont été effectués sur chaque brebis malade. Ils sont conservés au frais dans une glacière de transport et stockés au laboratoire à -20°C avant de les soumettre à des analyses de bactériologie. L'isolement et l'identification des bactéries ont été réalisés au laboratoire de microbiologie-immunologie-pathologie infectieuse (MIPI) de l'École Inter-États des Sciences et Médecine Vétérinaires (EISMV) de Dakar suivant les méthodes bactériologiques classiques [6]. Les bactéries identifiées ont été soumises à des tests de sensibilité vis-à-vis des antibiotiques couramment utilisés dans la zone d'étude.

Antibiogramme

La sensibilité in vitro des principales souches bactériennes isolées a été évaluée vis-à-vis d'un lot d'antibiotiques fréquemment utilisés pour traiter les cas de mammites cliniques. Ce lot est constitué par la spiramycine, la p énicilline, la streptomycine, le triméthoprime-sulfaméthoxazole, la kanamycine, la n éomycine et l'amoxicilline. La méthode de diffusion en gélose déduisant la sensibilité de chaque souche bactérienne à partir du diamètre de zone d'inhibition, autour des disques chargés en antibiotiques, a été réalisée suivant les recommandations du CA-SFM [9]. La lecture et l'interprétation des résultats de l'antibiogramme ont été faites aussi selon les critères du CA-SFM [10].

Analyses statistiques

Les données recueillies ont été saisies sur le tableur Excel et analysées avec le logiciel RStudio version 1.4.1103. La comparaison de l'infection en fonction de la race et du rang de lactation a été faite au moyen du test de Khi² d'indépendance. La différence entre ces variables a été considérée statistiquement significative lorsque p < 0,05.

 

 

Résultats Up    Down

Examen clinique

Les mammites aiguës sont significativement plus fréquentes (53,1%) que les mammites chroniques (38,8%) et suraiguës (8,2%) (X² = 5,690; P = 0,0171 < 0,05). Les brebis de race Ladoum (57%) sont significativement plus atteintes que les Peul-peul, métisses et Azawad (X² = 12,422; P= 0,00042 < 0,05). Par ailleurs, les brebis de moins de 45 jours de lactation (85,7%) sont plus fréquentes que celles de plus de 45 jours de lactation (14,3%).

Analyses bactériologiques

Les résultats observés révèlent que 71% des prélèvements sont positifs et 29% sont stériles à la culture. Parmi les prélèvements positifs, 39 germes au total sont isolés dont 25 pathogènes et 14 germes non pathogènes (Lactobacillus). Parmi les germes pathogènes, les coques à gram positif sont plus nombreux et représentent 41%, les bacilles à gram négatif représentent 33%, les bacilles à gram positif 18% et les coccobacilles à gram négatif représentent 8% (Figure 2).

Staphylococcus sp et Staphylococcus aureus sont plus fréquents parmi les germes pathogènes avec respectivement des fréquences de 32% et 28%. Seul Staphylococcus aureus est isolé sur tous les types de mammites cliniques observés. De plus, Streptococcus sp n'est observé qu'au niveau des mammites chroniques. Les autres espèces isolées sont principalement Pseudomonas aeruginosa (8%), Escherichia coli (8%) et Pseudomonas putida (8%) (Figure 3). Elles sont isolées soit sur des cas de mammites aigues ou des cas de mammites chroniques.

Antibiogramme

L'antibiogramme réalisé sur toutes les souches identifiées a révélé une très bonne sensibilité in vitro vis-à-vis des six antibiotiques sur les sept testés: kanamycine (80%), néomycine (96%), streptomycine (96%), triméthoprime/sulfamétoxazole (80%), spiramycine (76%) et amoxicilline (60%). Cependant, il est observé des résistances face à la pénicilline de l'ordre de 92% (Figure 4).

L'antibiogramme a montré que Staphylococcus aureus est à 100% sensible à la kanamycine, à la streptomycine, à la spiramycine et à la néomycine. Par contre, Staphylococcus aureus est à 67% résistant à la pénicilline. Staphylococcus sp est à 100% sensible à la spiramycine, à la triméthoprime-sulfaméthoxazole et à la néomycine. Toutefois, cette bactérie est à 100% résistante à la pénicilline. Escherichia coli et Pseudomonas aeruginosa, elles sont à 100% sensibles à la streptomycine et à la néomycine. Par contre, elles sont à 100% résistantes à la pénicilline et à l'amoxicilline. En plus de ces deux antibiotiques, Pseudomonas aeruginosa est à 100% résistante à la kanamycine et à la spiramycine (Figure 5).

 

 

Discussion Up    Down

Le diagnostic clinique reposait sur la mise en évidence des symptômes généraux, locaux ou fonctionnels par l'inspection et la palpation de la mamelle. Ainsi, les trois types de mammites: aiguë, chronique et suraiguë ont été observés à des fréquences de 53,1%, 38,8% et 8,2% respectivement. La fréquence élevée des mammites aiguë est proche à celle de 57% rapportée par Tall [11] à Dakar sur des brebis reçues en consultation dans différents cabinets vétérinaires. Les brebis de race Ladoum sont plus atteintes que les autres brebis de races Azawad et Peul-peul. Ces résultats pourraient s'expliquer par le fait que la race Ladoum, issue du croisement entre l'Azawad et le Touabire, a des performances zootechniques nettement plus améliorées. Une surproduction de lait par rapport aux besoins des agneaux, une mamelle volumineuse remplie de lait malgré la tétée des agneaux est corrélée à un affaiblissement du système de défense mammaire pouvant favoriser l'infection de cet organe. Par ailleurs, la mammite est plus fréquente pendant les 45 jours qui suivent la mise bas qu'au-delà de cette période; les résultats qui s'inscrivent dans la même logique que ceux rapportés par Rahmouni et Mazouz [12] chez les bovins.

Ces derniers suggèrent que le début de lactation constitue une période à risque pour les mammites et que la prévention durant cette période et celle du tarissement est importante. A cette période de début de lactation, les animaux présentent une grande sensibilité due à l'affaiblissement du système de défense immunitaire traduite par une diminution du taux de polynucléaires neutrophiles circulant et des lymphocytes. Selon Katsafadou et al. [13], les neutrophiles libèrent diverses protéines antibactériennes comme les cathélicidines qui deviennent disponibles au niveau du parenchyme mammaire. Ces cellules immunitaires phagocytent les bactéries responsables et libèrent des radicaux superoxydes et du peroxyde d'hydrogène intracellulaire pour les détruire [14]. L'analyse bactériologique a révélé que 71% des prélèvements étaient positifs et 29%, stériles à la culture. Ce taux de stérilité à la culture est proche de ceux de 31% et 34% rapportés par Viban Banah [15] chez les petits ruminants à Dakar et Hama [16] chez la chèvre au Togo et en Mauritanie respectivement. Toutefois, ce taux est nettement supérieur à celui rapporté par Khainache et Zekaik [17] en Algérie qui n'ont enregistré aucune culture stérile. Il est également plus élevé que celui de 10% rapporté par Issa Ibrahim [18] au Niger sur des prélèvements de lait de vache. Les prélèvements négatifs obtenus seraient dus au fait que les brebis ont reçu des traitements à base d'antibiotiques avant la réalisation des prélèvements qui auraient rendu le lait stérile.

En outre, les cultures négatives pourraient être dues à une cause non infectieuse. Parmi les germes présumés pathogènes, les coques à gram positif sont plus nombreux (41%) suivis par les bacilles à gram négatif (33%) et les bacilles à gram positif (18%). Par contre, Shyaka et al. [6] ont rapporté au Sénégal sur des prélèvements de lait de vaches exotiques une prédominance des bacilles à gram positifs (47%) suivi des coques à gram positives (42%). Les staphylocoques à coagulase négative, sont prédominants avec une fréquence de 32%, suivis par Staphylococcus aureus avec une fréquence de 28%. La fréquence observée avec les staphylocoques à coagulase négative est supérieure à celles rapportées par Viban Banah [15] à Dakar et Khainache [17] en Algérie sur des ovins, respectivement 22% et 22,7%. La fréquence élevée des staphylocoques observée pourrait s'expliquer par une mauvaise hygiène des enclos qui augmenterait le risque d'infection de la mamelle juste après la mise bas dans cette localité. Par ailleurs, l'infection de la mamelle par les staphylocoques pourrait provenir des mains des trayeurs. En effet, dans un souci de prévenir la mammite, les éleveurs de race Ladoum s'adonnent souvent à la traite manuelle sans aucun respect des mesures d'hygiène pour décongestionner la mamelle. Cette pratique quotidienne des éleveurs pourrait augmenter le risque d'infection de la mamelle, toujours remplie de lait malgré la tétée des agneaux. Avec certains sujets, l'organe est rempli de lait et le trayon très volumineux de telle sorte que les agneaux ne parviennent pas à le prendre pour téter. Les staphylocoques ont été isolés dans 70% des cas de mammites cliniques lors d'enquêtes de terrain sur des troupeaux de brebis laitières [3,19].

Selon Bergonier et al. [3], Staphylococcus aureus est la principale cause de mammite clinique chez les petits ruminants. La sensibilité des bactéries identifiées a été testée vis-à-vis d'antibiotiques couramment utilisés dans le traitement des mammites sur le terrain. Ainsi, les résultats obtenus ont révélé que presque tous les isolats présentaient un taux de résistance élevé vis-à-vis de la pénicilline (92%). Au Brésil, de Medeiros et al. [20] ont rapporté un taux de résistance d'isolats de staphylocoques de moins de 35% à l'amoxicilline, à l'erythromycine, à la lincomycine, à la streptomycine et à la tétracycline. Par ailleurs, des taux de résistance de 14 à 43% contre la pénicilline, 41 à 43% contre l'ampicilline, 5 à 6% contre l'erythromycine et 7 à 22% contre la streptomycine ont été rapportés par plusieurs auteurs [21-23]. Bien que les niveaux et types de résistance aux antibiotiques soient variés d'une étude à l'autre, la résistance la plus courante est celle observée avec la pénicilline et l'ampicilline [23]. La résistance élevée observée avec la pénicilline dans notre étude proviendrait d'une utilisation anarchique de cet antibiotique aussi bien par les éleveurs que les techniciens d'élevage sur le terrain. L'antibiogramme n'est pas réalisé dans la prise en charge des infections bactériennes particulièrement les mammites par les cliniciens.

Selon Tall [11], dans le cadre du traitement des mammites des brebis par les cabinets vétérinaires de Dakar, les β-lactamines sont les plus utilisés (84,6%) suivis des tétracyclines (15,5%). Toutefois, une bonne sensibilité à la néomycine (96%) et à la streptomycine (84%) a été observée avec les isolats bactériens. En réalité, la relation entre l'utilisation des antibiotiques et la résistance n'est pas aussi simple à établir [24]. Selon ce dernier, la résistance d'une bactérie face à un antibiotique donné peut engendrer au fil du temps une résistance à un autre antibiotique. Les résultats obtenus ont révélé une résistance spécifique de Staphylococcus aureus à la pénicilline de l'ordre de 67%. Des taux de résistance de la même bactérie par rapport à la pénicilline de 27% et 17%, plus faibles, ont été rapportés respectivement par Ünal et al. [25] et Martins et al. [26] en Turquie sur des troupeaux de brebis. En effet, pour surmonter les effets des β-lactamines, les isolats de Staphylococcus aureus résistant à la pénicilline M (méthicilline et oxacilline) produisent un cinquième PBP supplémentaire appelé PBP 2a, codé par le gène mecA, qui a une affinité réduite avec les β-lactamines et reste actif en présence de β-lactamines [27]. En ce qui concerne Escherichia coli et Pseudomonas aeruginosa les résultats obtenus ont révélé une bonne sensibilité à la néomycine et à la streptomycine. Cependant, une forte résistance à la pénicilline et à l'amoxicilline est observée. Ces résistances vis-à-vis des β-lactamines pourraient s'expliquer par une utilisation abusive de ces molécules sur le terrain qui induirait la production de β-lactamases par les isolats bactériens. Selon plusieurs études, ces enzymes secrétées par les bactéries rendent inefficace la pénicilline G et A. Par conséquent, l'utilisation systématique des β-lactamines pour traiter les mammites dans la zone d'étude devrait être évitée.

 

 

Conclusion Up    Down

La mammite, définie comme étant une inflammation du tissu mammaire, résultant le plus souvent d'une infection microbienne, a été décrite sur des brebis reçues en consultation au cabinet vétérinaire Abi-vet de Mbacké. Des prélèvements de lait ont été effectués sur ces brebis afin d'identifier les bactéries responsables et tester leur sensibilité vis-à-vis des antibiotiques couramment utilisés sur le terrain. Parmi les germes supposés pathogènes identifiés, Staphylococcus sp et Staphylococcus aureus sont les plus rencontrés. L'antibiogramme a révélé que sur les sept antibiotiques testés, la néomycine a été la plus efficace contre les isolats de bactéries. Par contre une forte résistance de ces isolats vis-à-vis de la pénicilline est observée. En règle générale, dès que la mammite est diagnostiquée, des antibiotiques doivent être administrés à la brebis le plus rapidement possible afin d'avoir une guérison. Ainsi, pour préserver la sensibilité des bactéries vis-à-vis des molécules, le traitement doit être fait à base d'un antibiotique efficace à spectre étroit. Ceci permettra de réduire les risques d'antibiorésistance et d'éviter la présence de résidus d'antibiotiques dans le lait consommé par la population. Pour cela, les cliniciens doivent, couramment, réaliser des antibiogrammes une fois que les bactéries responsables sont isolées et identifiées. Par ailleurs, une bonne sensibilisation des éleveurs de la zone d'étude sur les risques d'une automédication par les antibiotiques, contribuerait à la protection de la santé publique.

Etat des connaissances sur le sujet

  • Une large gamme d'antibiotiques est utilisée pour le traitement des mammites cliniques chez les ovins dans le département de Mbacké au Sénégal;
  • Un antibiogramme d'orientation n'est pas réalisé avant d'entamer le traitement des mammites cliniques dans cette localité;
  • Les cas de mammites cliniques sont de plus en plus fréquents dans le département de Mbacké avec l'amélioration des races ovines locales.

Contribution de notre étude à la connaissance

  • L'étude souligne la nécessité de réaliser un antibiogramme pour mieux surveiller la résistance aux antibiotiques;
  • Les germes Staphylococcus sp et Staphylococcus aureus, identifiés, supposés pathogènes, sont les plus rencontrés dans la localité sur les cas de mammites cliniques;
  • Ces germes sont fortement résistants à la pénicilline mais sensibles à la néomycine.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Alkaly Badji, Djamilou Adamou Salifou, Amadou Bousso Ba et Rianatou Bada Alambedji ont contribué à la conception de l'étude et à la rédaction du manuscrit. Djamilou Adamou Salifou, Amadou Bousso Ba ont recueilli les données sur le terrain. Alkaly Badji, Djamilou Adamou Salifou, Amadou Bousso Ba et Rianatou Bada Alambedji ont examiné et analysé les données. Tous les auteurs ont lu et approuvé le manuscrit final.

 

 

Remerciements Up    Down

Nous tenons à remercier sincèrement l'ensemble des éleveurs qui ont présenté les cas de mammites cliniques. Nous remercions aussi tout le personnel du cabinet vétérinaire Aby-vet et celui du laboratoire de Microbiologie-Immunologie-Pathologie Infectieuse (MIPI) de l'EISMV de Dakar pour leur participation notoire dans le déroulement des différentes activités de cette étude.

 

 

Figures Up    Down

Figure 1: zone d'étude

Figure 2: répartition de bactéries identifiées dans les principaux groupes bactériens

Figure 3: fréquence des espèces de bactéries identifiées

Figure 4: taux de sensibilité et de résistance des isolats vis-à-vis des antibiotiques

Figure 5: profils de résistance des bactéries identifiées

 

 

Références Up    Down

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