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Research

Evaluation du risque lié à l´exposition au bruit dans une usine de ciment: perspectives et recommandations (étude transversale)

Evaluation du risque lié à l'exposition au bruit dans une usine de ciment: perspectives et recommandations (étude transversale)

Evaluate risks associated with exposure to noise in a cement plant: perspectives and recommendations (cross-sectional study)

Fanta Oularé1,&, Namoudou Condé2, Selly Camara1, Koffi Atsé Lloyd Evrard1, Armandine Eusebia Roseline Diatta3, Amadou Mouctar Diallo2, Hassan Bah2

 

1Service de Médecine du Travail, Faculté des Sciences et Technique de la Santé, Université Gamal Abdel Nasser, Conakry, Guinée, 2Service de Médecine Légale, CHU Ignace Deen, Conakry, Guinée, 3Service de Médecine du Travail, Faculté de Médecine, de Pharmacie et d'Odontologie, Université Cheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal

 

 

&Auteur correspondant
Fanta Oularé, Service de Médecine du Travail, Faculté des Sciences et Technique de la Santé, Université Gamal Abdel Nasser, Conakry, Guinée

 

 

Résumé

Introduction: le bruit est un phénomène acoustique produisant une sensation auditive considérée comme désagréable ou gênante. L'objectif de cette étude était d'évaluer l'impact du bruit lié à l'exposition au bruit dans l'usine de ciment LafargeHolcim Guinée.

 

Méthodes: il s'agissait d'une étude prospective de type descriptif d'une durée de six mois allant du 1er Mars au 1er septembre 2022. Au total 131 travailleurs de l'usine ont été inclus.

 

Résultats: la majorité était des hommes avec une fréquence de 84,7% et un sex-ratio = 5,5. L'âge moyen était de 40,7 ± 8,1 ans avec des extrêmes de 26 et 63 ans et la tranche d'âge la plus représentée était de 36-45 ans soit 43,5%. Les niveaux sonores ont varié entre 55,2 dB(A) et 96,6 dB(A); la zone la plus bruyante était le hall de stockage. Les manifestations cliniques les plus retrouvées chez les travailleurs étaient des acouphènes 55% suivis de céphalées 20%. Parmi les travailleurs 82 (62, 6%) ont réalisé un audiogramme et 25,6% de ces audiogrammes réalisés étaient anormaux. Le type de déficit auditif le plus fréquent était l'hypoacousie de type perception soit 61,9% et le stade le plus fréquent était l'hypoacousie légère soit 66,7%. Seulement 48,1% des travailleurs utilisaient régulièrement les équipements de protection individuelle (EPI) et le type d'équipements de protection individuelle le plus utilisé était les bouchons d'oreilles.

 

Conclusion: au terme de cette étude il ressort que malgré la disponibilité des EPI, les travailleurs sont majoritairement exposés au bruit et présentent des troubles auditifs liés au non-respect des consignes de sécurité.


Introduction: noise is an acoustic phenomenon producing an auditory sensation considered unpleasant or annoying. The purpose of this study was to assess the impact of exposure to noise at the LafargeHolcim Guinea cement factory. Methods: we conducted a prospective, descriptive study over a period of six months, from March 1 to September 1, 2022. A total of 131 plant workers were included. Results: the majority of participants were men, accounting for 84.7%, with a sex ratio of 5.5. The average age was 40.7 ± 8.1 years, ranging from 26 to 63 years, with the most represented age group being 36-45 years, accounting for 43.5%. Noise levels ranged from 55.2 dB(A) to 96.6 dB(A), with the noisiest area being the storage hall. The most common clinical manifestations among workers were tinnitus 55% followed by headaches 20%. Among workers, 82 (62.6%) underwent audiogram and 25.6% of these were abnormal. The most frequent type of hearing loss was sensorineural hearing loss (61.9%) and the most frequent stage was mild hearing loss (66.7%). Only 48.1% of workers regularly used personal protective equipment (PPE) and the type of PPE most frequently used was earplugs. Conclusion: this study highlights that, despite the availability of PPE, the majority of workers are exposed to noise and suffer from hearing problems linked to non-compliance with safety instructions.

Key words: Risk assessment, exposure to noise, cement factory, Guinea

 

 

Introduction    Down

Le bruit est un phénomène acoustique produisant une sensation auditive considérée comme désagréable et/ou gênante [1]. Il constitue une nuisance présente dans de nombreux secteurs économiques et d'activités professionnelles. Dans la plupart des secteurs industriels, le bruit apparaît comme un facteur déterminant de la situation de travail, de la santé du personnel et de la performance de l'entreprise [2]. Une exposition à des niveaux sonores élevés peut affecter la santé en générale et le système auditif en particulier. Parmi les effets auditifs du bruit lésionnel on distingue la surdité post-traumatique, la fatigue auditive, la surdité professionnelle [3]. Quant aux atteintes extra-auditives, en général liées à une exposition chronique, elles sont attribuées à l'effet stressant du bruit qui peut aussi altérer nos capacités d'attention, dégrader la qualité de la communication, voire nuire à la qualité de vie [4].

Selon l'OMS en 2017 dans le rapport mondial sur l'audition une personne sur quatre, souffrira de déficience auditive à des degrés divers d'ici à 2050 [5]. Au Canada en 2010 dans bruit des machines destinées au milieu de travail environ 9000 travailleurs développent une forme de déficience auditive, causée par une surexposition au bruit en milieu de travail [6]. L'enquête Sumer 2010 en France sur les expositions de longue durée plus de 20 heures par semaine à des niveaux élevés de 85 dB(A) concernaient 4,8% des salariés. Les secteurs les plus concernés sont l'industrie (16,8%) et la construction (10,5%) [6]. En Tunisie en 2011, Toure et al. ont rapporté qu'environ 25% de la population active est exposée à des niveaux élevés de bruit dépassant les 85 dB [6]. En Côte d'ivoire l'arrêté n°01164 du 04 novembre 2008, fixe les normes environnementales nationales de niveau d'exposition au bruit dans les zones industrielles à 75dB(A) le jour et 60dB(A) la nuit [7]. En Guinée, le code de l'environnement de 2019 du décret D/2019/221/PRG/SGG portant promulgation de la loi L/2019/0034/AN du 04 juillet 2019 en ses articles 134 et 136 de la section 1 des nuisances sonores et vibratoires spécifie l'interdiction d'émission du bruit susceptible de nuire à la santé de l'homme et de constituer une gêne excessive pour le voisinage ou de porter atteinte à l'environnement [8]. L'évaluation des risques constitue le point de départ de la démarche de prévention. Le processus d'évaluation des risques permet d'identifier les postes de travail à risque et les équipements qui sont les principales sources en cause. Dans le domaine de l'acoustique, l'évaluation des risques peut débuter par une estimation du niveau sonore suivi du mesurage du bruit qui se fait par la norme iso 9612. Ainsi l'influence du bruit en milieu de travail et la necessité d'élaborer un plan de prévention contre le bruit et ses effets ont motivé le choix de ce thème: évaluation du risque lié à l'exposition au bruit dans une usine de ciment: perspectives et recommandations.

Pour réaliser ce travail les objectifs spécifiques étaient les suivants: 1) déterminer les niveaux d'exposition des travailleurs de LafargeHolcim au bruit (le niveau d'exposition sonore journalier, noté Lex,d (dB(A)) et le niveau de pression acoustique de crête Lpc(dB)). 2) Identifier les effets sanitaires liés au bruit sur la santé des travailleurs à savoir, l'atteinte auditive, la gêne ressentie pour l'exécution de certaines tâches et, l'inconfort perçu dans certains locaux. 3) Proposer des mesures de prévention pour limiter le risque lié à l'exposition au bruit.

 

 

Méthodes Up    Down

Cadre et population de l'étude

Il s'agissait d'une étude prospective de type descriptif d'une durée de 6 mois allant du 1er Avril au 1er septembre 2022. Notre cadre d'étude était l'usine Lafargeholcim Guinée. Lafargeholcim Guinée est située dans la commune de Dubréka dans le quartier « cimenterie » à 50 m de la station-service BTN. Elle a été fondée sous le nom de Soprociment en 1977 puis en 1988 Ciment de Guinée et a été renommé Lafargeholcim en 2016. Elle est une usine de fabrication de matériaux et des solutions de construction. L'usine s'étend sur une superficie 5,04 Km² et est composé d'un bâtiment administratif, un réfectoire, 02 broyeurs et plusieurs installations. Notre population d'étude a été constituée de tous les employés embauchés par l'usine LafargeHolcim présents pendant notre période d'étude. Les zones de travail également incluses concernaient les postes sur lesquels des mesurages de niveaux sonores ont été effectués, notamment: le hall de stockage, la zone ensacheuse, la zone de chargement vrac, l'atelier de maintenance, la centrale de groupe électrogène, le poste de l'opérateur mélangeur, le laboratoire, le poste de l'opérateur de pont bascule, la zone d'expédition et la zone de déchargement de clinker.

Les variables d'étude

Nos variables ont été quantitatives et qualitatives. Les variables quantitatives incluaient: l'âge, l'ancienneté au poste, la durée de travail par jour, le niveau sonore reparti en seuil en: zone de seuil critique: >80 dB, zone d'alerte: [60-80] dB, zone de confort: ˂60 dB. Pour les variables quantitatives tel que l'âge, nous avons calculé la moyenne et l'écart type. Les variables qualitatives incluaient: le genre, masculin et féminin, la situation matrimoniale, le poste occupé par le travailleur dans l'usine, les zones de travail, le type d'équipement de protection individuelle (EPI) était: les bouchons d'oreille, et le casque. L'audiogramme a été l'examen paraclinique qui a permis de déterminer les déficits auditifs, ces derniers étaient soit normaux ou anormaux, soit de type perception, transmission ou mixte et le stade léger, moyen, sévère et profonde. Pour les variables qualitatives nous avons calculé l'effectif et la fréquence (en %). Nous avons considéré les facteurs de confusion possibles dans notre analyse.

Ressource de données et mesure

Outil de collecte de données

Nos données ont été collectées à l'aide d'analyse des dossiers médicaux individuels des travailleurs et nos supports ont été le sonomètre, l'audiomètre et la fiche d'enquête.

Collecte de données: la collecte a été réalisée par: 1) les mesurages effectués à l'aide d'un sonomètre intégrateur pour déterminer les niveaux d'exposition sonores ce qui nous a permis de quantifier les niveaux de risque. 2) La fiche d'enquête à travers l'interview directe. 3) L'analyse des résultats des audiogrammes effectués chez les travailleurs.

Echantillonnage: nous avons procédé à un recrutement exhaustif de tous les enquêtés.

Analyse et présentation des données

L'étude a porté sur les caractéristiques socioprofessionnelles, paracliniques et cliniques des travailleurs et sur les données issues des mesurages du bruit dans les zones de travail au niveau (des broyeurs, du hall de stockage du clinker, de la zone de l'ensacheuse, de la zone de chargement vrac, de l'atelier de maintenance, de la centrale du groupe électrogène, du poste de l'opérateur mélangeur, du laboratoire, du poste de l'opérateur de pont bascule, de la zone d'expédition et de la zone de déchargement de clinker). Les données collectées ont été saisies et analysées à l'aide des logiciels du Microsoft Word, Excel 2016 et SPSS V22. Les résultats sont présentés sous forme de tableaux.

Considérations éthiques

Après avoir effectué des mesurages à la demande du management, nous avons adressé une lettre à la direction générale de l'usine pour l'obtention d'autorisation d'enquête auprès des travailleurs afin de recueillir les symptômes ressentis, lettre dans laquelle nous avons expliqué en détail le but de notre étude, les attentes ainsi que l'impact positif dans l'amélioration des conditions de travail. Ensuite nous avons respecté l'anonymat et demandé le consentement éclairé de tous les travailleurs inclus. Ces données ont été utilisées exclusivement à des fins scientifiques.

 

 

Résultats Up    Down

Le nombre total d'employés permanents de l'usine était de 150 à la période de notre étude. Du 1er avril au 1er septembre 2022 nous avons enregistré 131 travailleurs qui correspondaient à nos critères de sélection soit un taux de participation de 87,3%. Dix-neuf (19) travailleurs de l'usine soit 12,7% ne répondant pas aux critères d'inclusion.

Les données sociodémographiques et professionnelles des travailleurs

Le genre: la majorité des enquêtés était des hommes avec une fréquence de 84,7% et un sex-ratio H/F = 5,5.

L'âge: l'âge moyen était de 40,7 ± 8,1 ans avec des extrêmes de 26 et 63 ans. La tranche d'âge la plus représentée était celle des 36-45ans soit 43,5%, suivie des tranches de 26-35 ans et de 46-54 ans, représentées respectivement à 29% et 21,4%.

L'ancienneté professionnelle (année): ou temps de présence ininterrompue des salariés dans leurs postes à l'usine était en moyenne de 11,1 ans pour 51,1% des enquêtés, entre 5-9 ans pour 32,1% et de 1-4ans pour 16,8% des enquêtés.

La durée de travail par jour: dans notre série, la durée de travail moyenne par jour était de 08 heurespour tous les travailleurs.

Le résultat du mesurage: les machines constituaient la principale source du bruit. Le Tableau 1 et le Tableau 1 suite rapportent les niveaux LEX, 8h mesurés dans les différentes zones.

Les effets sanitaires: le Tableau 2 rapporte les signes cliniques ressentis et les résultats audiogrammes réalisés chez les travailleurs.

Utilisation de protecteurs auditifs: seulement 48,1% des travailleurs utilisaient régulièrement les EPI et le type d'EPI le plus utilisé était les bouchons d'oreilles.

 

 

Discussion Up    Down

Nous avons mené une étude prospective de type descriptif pour déterminer les niveaux d'exposition des travailleurs au bruit, identifier les effets liés au bruit sur la santé des travailleurs dont l'atteinte auditive, la gêne ressentie pour l'exécution de certaines tâches et, l'inconfort perçu dans certains locaux afin de proposer des mesures d'atténuation. Les limites méthodologiques: le caractère prospectif de l'échantillonnage, le manque de temps accordé par les travailleurs pour l'interview et le refus de certains travailleurs à répondre pourraient influencer le résultat des réponses obtenues. Mais cette étude nous a permis de connaitre le degré d'exposition des travailleurs au bruit des travailleurs d'une cimenterie.

Données sociodémographiques et professionnelles des travailleurs

L'âge

Le résultat de notre étude a révélé que tous les enquêtés étaient majoritairement des hommes avec 84,7% et un sexe ratio H/F= 5, 5. Tchicaya et al. [7] en Côte d'Ivoire en 2011 ont rapporté que 90% des enquêtés étaient des hommes avec un sexe ratio 9,1. Le travail dans les usines tels que les cimenteries implique une grande charge de travail qui nécessite de la force physique généralement effectuée par les hommes mais aussi la discrimination des femmes dans certaines fonctions.

La tranche d'âge

L'âge moyen des travailleurs était de 40, 7 ± 8,1 ans. La tranche d'âge la plus représentée était celle des 36-45 ans avec 43,5%. Brahem et al. [9] en Tunisie en 2018 ont rapporté dans leur étude que la tranche d'âge la plus représentée était celle des 31-42 ans (68,16%). Ce résultat pourrait s'expliquer par le fait que le recruteur des travailleurs de l'usine cible les jeunes et les adultes jeunes qui constituent la couche active de la population d'une part et d'autre part, le recrutement se fait sur la base de leur professionnalisme et de leur expérience antérieure dans d'autres entreprises.

L'ancienneté professionnelle

Dans notre série, l'ancienneté professionnelle moyenne était de 12,06 ans. Pelletan et al. [10] en France en 2018 ont rapporté dans leur étude que l'ancienneté professionnelle moyenne était de 14,4 ans. Tamene et al. [11] en Ethiopie en 2020 ont montré que 52,6% des carrossier-peintres avaient une ancienneté professionnelle de 5 à 15 ans. La bonne qualification des employés, le type de contrat et les avantages d'assurance sociale et pécuniaire liés au contrat justifieraient ces résultats.

Le résultat du mesurage

Le mesurage des zones de travail a varié entre 55,2 et 96,6 dB avec une moyenne de 71,3 dB et un écart-type de 25 dB 3 zones sur 10 ont un niveau sonore supérieur à 85 dB. Tchicaya et al. [7] en Côte d'Ivoire en 2011 a rapporté que les niveaux sonores variaient de 80,3 à 101,3dB. Le bruit émis par l'atelier de torréfaction, le broyeur et la plate-forme atteignait respectivement 101, 3 Lex, 08h (dB) en 2008 et 99, 7 Lex, 08h (dB) en 2010. Dia et al. [12] à Dakar en 2014 ont trouvé que le niveau du bruit était supérieur à 85 dB(A) dans l'ensemble des locaux à l'exception du laboratoire, de la zone de stockage, du local de micro-conditionnement, du magasin de farine et des bureaux du chef de poste. Dans certaines zones de travail, la mesure du bruit était supérieure aux normes conventionnelles fixées, ce qui exposait les travailleurs de l'usine à différents risques liés au bruit qui sont auditifs (fatigue auditive, baisse de l'acuité auditive, surdité) et extra-auditifs liés au stress (hypertension artérielle (HTA), trouble du sommeil, altération la concentration et la qualité de vie).

Utilisation de protecteurs contre le bruit

Relativement à la fréquence d'utilisation des protecteurs anti-bruit 48,9 % des travailleurs l'utilisaient régulièrement et le type de protecteur le plus utilisé étaient les bouchons d'oreilles. Dia et al. [12] ont montré que 45,45% des travailleurs utilisaient régulièrement les protecteurs anti bruit. Hinson et al. [13] au Bénin en 2017 ont rapporté que 21% des travailleurs portaient régulièrement des équipements de protection auditive. Toure et al. [14] en Guinée en 2020 ont trouvé que 74,56% des travailleurs utilisaient les bouchons d'oreilles suivi de 25,44% qui utilisaient des casques. Ce résultat nous démontre que malgré la sensibilisation sur le port des EPI anti-bruit, de nombreux employés ne les utilisent pas. Ce qui serait préjudiciable pour leur santé auditive. Par ailleurs, la préférence des bouchons d'oreilles par les ouvriers serait en rapport avec le fait qu'ils soient plus légers et plus compatibles avec les autres équipements de protection individuelle.

Les effets sanitaires cliniques

Les manifestations cliniques les plus représentées étaient les sifflements/bourdonnements avec 55% suivi des céphalées avec 20% et de trouble du sommeil 15%. Nicolas Derumaux et al. [15] en France en 2013 dans son étude sur les nuisances sonores dans le milieu aéroportuaire a rapporté à la fin d'une journée de travail 37% d'acouphènes, 18% de baisse d'audition et 7% de vertige. Selon la littérature l'exposition prolongée au bruit entraîne des manifestations cliniques liées aux atteintes auditives par traumatismes acoustiques répétés, des otospongioses et des atteintes du nerf vestibulo-cochléaire.

Les effets sanitaires paracliniques

Les audiogrammes réalisés ont montré que 25,6% des travailleurs soit un travailleur sur 4 présentait un audiogramme anormal. Hinson et al. [13] qui ont montré que 26% des audiogrammes réalisés des travailleurs étaient anormaux. Mezdad et al. [16] en Algérie en 2011 dans leur étude "évaluation du déficit auditif moyen chez les travailleurs d'une industrie de l'électroménager" a trouvé que 20,2% des travailleurs avaient des pertes auditives. L'exposition au bruit dans différents services à des niveaux sonores dépassant les 85dB (A) tels que (zone de broyage, ensacheuse, chargement en vrac) sont nocifs pour l'appareil auditif et peuvent entraîner des déficits auditifs allant de l'hypoacousie à la surdité. Dans notre contexte cette exposition associée au non port des EPI pourrait expliquer la proportion d'ouvriers présentant un audiogramme anormal. Les travailleurs avec les atteintes auditives bilatérales étaient les plus représentés (42,9%) suivi des atteintes auditives unilatérales (OG: 33,3% et OD: 23,8%). Les hypoacousies de perception représentaient 61,9% des audiogrammes anormaux suivies de celles de transmission avec 28,6% et l'hypoacousie mixte était la plus faiblement représentée avec 9,5%. L'étude menée par l'Observatoire Régional de la santé de Midi Pyrénées dans Enquête audition en 2010 chez les jeunes de 16-25ans [17] ont rapporté que les pertes auditives supérieures à 20 dB étaient localisées à l'oreille gauche (OG) avec une fréquence de 36,1% suivi 34% à l'oreille droite (OD) et 29,9% étaient bilatérales. Bachy [18] en France en 2014 a montré dans leur étude "évaluation d'un test de dépistage audiométrique rapide (DARDA)" que 15 patients sur 35 avaient un déficit auditif de perception (42,85%). La survenue de ces différents types de déficit auditif peut confirmer l'effet négatif sur la sphère oto-rhino-laryngologie (ORL). Elle se traduit par la presbyacousie, l'atteinte de l'appareil de Corti par (barotraumatismes) et des troubles du nerf auditif (neurinome de l'acoustique).

La gravité des pertes auditives

Concernant les pertes auditives 66,7% des audiogrammes ont révélé des pertes légères, 23,8% étaient modérées et 9,5% étaient sévères. Chakroun et al. [19] en Tunisie en 2013 ont montré que 38,5% des travailleurs présentaient un déficit léger et 48% des travailleurs présentaient un déficit moyen. La forte exposition au bruit, la prise de médicaments ototoxiques comme (gentamicine, streptomycine, cis platine et la quinine) et certaines pathologies comme la maladie de Ménière pourrait expliquer ces résultats.

 

 

Conclusion Up    Down

L'exposition au bruit représente un véritable risque en milieu de travail. Les travailleurs de l'usine LafargeHolcim y sont forcément exposés; les effets du bruit sur la santé étaient majoritairement marqués par l'apparition des acouphènes avec une fréquence de 55%. Un travailleur sur quatre de l'usine présentait un déficit auditif et le type les plus constaté étaient principalement les hypoacousies de perception avec une fréquence 61,9%. Les équipements de protections anti-bruit étaient utilisés régulièrement par 48,9% des travailleurs de l'usine et 66,4% des équipements de protection individuelle utilisés étaient les bouchons d'oreilles. Outre les effets sur l'appareil auditif le bruit avait un impact sur les appareils extra-auditifs qui sont l'altération de la capacité de communication et d'attention. Plusieurs mesures visant à atténuer le bruit à LafargeHolcim formulées à l'issue de cette étude ont été mises en œuvre par le management de la structure, dont entre autres: mettre en place une signalisation des lieux de travail bruyants avec limitation d'accès; inciter des agents au port de protecteurs contre le bruit par la sensibilisation- IECC et sur l'effet du bruit sur la santé; mettre en œuvre d'un programme de conservation de l'audition (audiométries de base et annuelle) à l'intention de tous les employés y compris les sous-traitants. Les perspectives étaient le réalignage de l'ancien broyeur et l'achat d'un broyeur vertical avec utilisation des spécifications acoustiques dans le cahier de charge.

Etat des connaissances sur le sujet

  • Le bruit est un phénomène acoustique produisant une sensation auditive considérée comme désagréable et/ou gênante;
  • Une exposition à des niveaux sonores élevés peut affecter la santé en générale et le système auditif en particulier;
  • Le bruit peut altérer nos capacités d'attention, dégrader la qualité de la communication, voire nuire à la qualité de vie.

Contribution de notre étude à la connaissance

  • Evaluation du risque lié à l'exposition au bruit dans une usine de ciment lafargeHolcim Guinée;
  • Cette étude confirme l'exposition des travailleurs à un niveau sonore élevé (96,6 dB) et ses effets sur la santé;
  • Insuffisance d'utilisation des EPI malgré leur disponibilité.

 

 

Conflits d'intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Fanta Oularé, Namoudou Condé, Selly Camara, Koffi Atsé Lloyd Evrard, Armandine Eusebia Roseline Diatta, Amadou Mouctar Diallo, Hassan Bah ont participé à la rédaction du manuscrit. Tous les auteurs déclarent avoir lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Tableaux Up    Down

Tableau 1: synthèse des mesurages effectués

Tableau 1 suite: synthèse des mesurages effectués

Tableau 2: répartition des travailleurs en fonction des effets sanitaires

 

 

Références Up    Down

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